Amener les facteurs ESG à un niveau stratégique

Ce texte a été initialement publié dans La référence, sous la citation EYB2024BRH2684. Le texte ne pourra être publié ou diffusé par moi ou mon bureau sur un site Internet tiers.

Résumé

Malgré le ressac que l’on peut observer dans certains pays, comme les États-Unis, de plus en plus d’entreprises prennent un virage plus responsable, que ce soit sur le plan de la préservation de l’environnement, de la protection des droits humains ou encore d’une meilleure gouvernance.

L’intégration des facteurs ESG peut sembler une démarche lourde à mettre en place. Pourtant, en comprenant bien ce que sont ces facteurs, il est assez aisé de déployer certaines initiatives, notamment lorsqu’elles sont arrimées à la stratégie générale de l’organisation.

l'image présente ce que sont les facteurs ESG (environnement, social, gouvernance)

 INTRODUCTION

Traditionnellement, la performance d’une entreprise se mesure à la valeur créée pour les actionnaires. Les états financiers permettent d’évaluer si une entreprise est un succès ou non.

Depuis quelques années, des entreprises et fonds d’investissement tentent de faire bouger les lignes en ajoutant des indicateurs autres que financiers. Ce changement vise à répondre à des préoccupations à plus long terme et à s’assurer que l’ensemble des parties prenantes touchées par les activités d’une organisation puissent également en ressentir des bénéfices.

Même si on observe, surtout aux États-Unis, un retour en arrière à la mission traditionnelle de l’entreprise qui serait de générer des profits pour ses actionnaires, il est souhaitable de se questionner sur l’impact qu’une organisation peut avoir et sur comment intégrer les facteurs ESG[1] (environnement, social et gouvernance) dans sa stratégie.

 

I– REDÉFINIR LA PERFORMANCE AU-DELÀ DES SEULS GAINS FINANCIERS

De plus en plus d’organisations veulent renforcer leur responsabilité sociétale qui, selon la norme ISO 26000[2], se définit comme « la responsabilité d’une organisation vis-à-vis des impacts de ses décisions et de ses activités sur la société et sur l’environnement, se traduisant par un comportement transparent et éthique qui :

  • Contribue au développement durable ;

  • Prend en compte les attentes des parties prenantes ;

  • Respecte les lois en vigueur et est compatible avec les normes internationales ;

  • Est intégré dans l’ensemble de l’organisation et mis en œuvre dans ses relations ».

L’intégration des facteurs ESG est une première étape importante pour renforcer sa responsabilité sociétale, car cela permet de rendre visibles certains éléments extra-financiers. L’intégration de ces facteurs permet de favoriser la capacité d’une organisation à créer de la valeur sur le long terme. Plusieurs s’opposent à l’intégration de ces facteurs, notamment aux États-Unis, car seuls les actionnaires devraient être les bénéficiaires de la valeur créée par l’entreprise, et ce, le plus rapidement possible.

Dans les organisations publiques ou à but non lucratif, l’accueil est généralement plus favorable, car l’objectif de ces entités n’est pas de faire de l’argent, mais bien d’offrir des services d’utilité publique au plus grand nombre, quelle que soit leur capacité de payer.

 Un courant mondial tend à reconnaître de plus en plus les intérêts de toutes les parties prenantes qui subissent parfois les retombées négatives des activités d’une organisation, comme une contamination des sols, de l’eau ou de l’air pour des activités minières.

Au Canada, il n’existe pas encore de cadre législatif pour les organisations, contrairement à ce qui se retrouve en Europe avec la directive CSRD[3] (Corporate Sustainability Reporting Directive). Cette directive oblige certains types d’organisations à publier des données extra-financières comme l’utilisation de l’énergie, la gestion des déchets, les interactions avec les communautés locales ou encore comment est composé le conseil d’administration de l’organisation.

 Au Canada, malgré l’absence d’obligation, plusieurs initiatives sont déjà en cours :

  • Selon la Banque de développement du Canada (BDC), 82 % des grands donneurs d’ordre publics et privés exigent de leurs fournisseurs qu’ils divulguent des informations sur au moins un critère ESG[4].

  • La fondation IFRS[5] est en train de développer des standards (ISSB – International Sustainability Standards Board[6]) qui ont été reconnus par le G7, le G20, les ministres des finances africains et les gouverneurs des banques centrales de 40 juridictions. Un bureau vient récemment d’être ouvert à Montréal.

Si de nombreuses grandes organisations (publiques et privées) rendent déjà publiques ces informations extra-financières (ex. : Hydro-Québec, Desjardins, Métro…), il est plus difficile pour les PME d’initier ce type de démarches, par manque de connaissances ou de ressources.

 Nous proposons donc plusieurs pistes de réflexion pour faciliter l’intégration des facteurs ESG dans le quotidien de ces organisations. La première étape est de bien comprendre de quoi on parle.

 

II– COMPRENDRE CE QUE SONT LES FACTEURS ESG ET IDENTIFIER LES INDICATEURS PERTINENTS

Avant toute chose, il est important de comprendre ce que sont ces facteurs, puis de choisir ceux qui seront les plus pertinents pour votre organisation. En effet, il existe des centaines d’indicateurs possibles. Il est contreproductif de vouloir tous les inclure, car certains ne font pas nécessairement de sens pour vous.

Commençons par vous présenter des exemples d’indicateurs pour chacune des catégories[7].

En ce qui concerne le E pour l’environnement, les indicateurs peuvent concerner :

  • La biodiversité (ex. : le nombre total d’espèces protégées dont les habitats sont situés dans des zones affectées par les opérations, par niveau de risque d’extinction) ;

  • Les déchets (ex. : déchets éliminés (tonnes métriques) au cours des 12 derniers mois, pourcentage de matières premières provenant de contenu recyclé ou refabriqué) ;

  • L’eau (ex. : total d’eau consommée) ;

  • Les émissions de gaz à effet de serre (ex. : émissions totales de GES produits par vos activités) ;

  • L’énergie (ex. : consommation totale d’énergie au cours des 12 derniers mois, consommation de carburant totale provenant de sources renouvelables) ;

  • L’approvisionnement (ex. : pourcentage de nouveaux fournisseurs analysés à l’aide de critères environnementaux) ;

  • Les transports (ex. : pourcentage de véhicules alimentés en carburant dans le parc automobile).

 Concernant le S (social), les indicateurs peuvent concerner :

  • L’implication des communautés locales (ex. : le nombre de consultations publiques tenues sur un territoire) ;

  • La diversité et l’égalité des chances (ex. : sentiment d’inclusion dans les équipes, parité au niveau du conseil d’administration, taux de travailleurs handicapés) ;

  • La formation et l’éducation (ex. : le nombre moyen d’heures de formation que les employés de l’organisation ont suivies au cours de l’exercice) ;

  • Le bien-être des équipes (ex. : niveau d’engagement des équipes, taux de roulement) ;

  • La santé et la sécurité au travail (ex. : le nombre et le taux d’accidents du travail aux conséquences graves, politique concernant le travail des enfants).

 Enfin, les facteurs liés à la gouvernance sont ceux liés à la formalisation de pratiques et documents qui permettent de faire des facteurs ESG une priorité. Nous pouvons notamment regarder comment les facteurs ESG sont intégrés dans le plan stratégique, comment la vision est formulée pour définir l’impact souhaité ou encore l’existence de comités pour parler des facteurs de manière transversale dans l’organisation.

 

III– GREFFER LES FACTEURS ESG DANS VOTRE PLAN STRATÉGIQUE

À la suite de nos observations dans diverses organisations, nous avons remarqué qu’il y avait principalement deux approches pour implanter des facteurs dans son organisation.

La première approche vise à susciter l’implication des employés en fonction de leurs demandes ou attentes, sans nécessairement de standardisation ou d’uniformisation des pratiques. Ces initiatives sont souvent isolées, sans intégration dans une stratégie organisationnelle plus large. Nous pouvons citer par exemple la mise en place de programme de bénévolat d’entreprise, de politiques d’approvisionnement local, ou encore les initiatives au niveau de l’équité, de la diversité et de l’inclusion (EDI). L’avantage de cette méthode est qu’elle permet de saisir des occasions qui émergent dans les organisations, en espérant que cela crée un effet boule de neige.

Certaines initiatives sont toutefois vues comme superflues, sans lien avec la mission première de l’organisation.

C’est pour cette raison que nous suggérons que l’intégration des facteurs ESG se fasse à un niveau stratégique afin de présenter ces éléments comme partie intégrante de la mission de l’organisation et de définir des indicateurs communs à l’ensemble des départements.

 Voici quelques étapes pour favoriser cette intégration :

  • Se familiariser avec ce que sont les facteurs ESG et à quoi ils contribuent.

  • Faire le bilan des initiatives existantes. En effet, sans nécessairement l’avoir fait de manière consciente, les organisations ont souvent déjà commencé à recueillir des données pertinentes. En mettant de l’avant ce qui existe déjà, cela permet de réduire la perception que cette démarche va être longue et ardue.

  • En fonction des défis ou de la nature des activités de l’organisation, cibler les facteurs prioritaires qui font du sens pour vous :

    • Si vous êtes une organisation établie au Québec avec une main d’œuvre locale et qui s’approvisionne au Québec, peut-être n’est il pas pertinent d’avoir une politique qui régit le travail des enfants. Celle-ci sera cependant pertinente si vous avez des activités dans des pays qui n’ont pas de règlementation à ce sujet.

    • Concernant l’environnement, peut-être déciderez-vous de prioriser la gestion des déchets en fonction des volumes importants que vous générez (ex. : un hôpital) ou plutôt la réduction des gaz à effet de serre si vous êtes un aéroport ou un constructeur aéronautique.

  • Intégrer ses facteurs dans votre plan stratégique, sous forme d’orientations, d’objectifs ou d’indicateurs.

Si la difficulté de retenir votre main d’œuvre met à risque la poursuite de vos activités, vous pourriez avoir comme orientation la création d’un milieu de travail sain et stimulant pour vos employés. Et comme indicateurs : le niveau d’engagement des équipes, le taux de roulement par équipe ou métier, le nombre de griefs ou de plaintes pour harcèlement…

  • Enfin, mettre en place des mécanismes de suivi et de reddition de comptes. En effet, sans mesure point d’avancée.

 

CONCLUSION

L’intégration des facteurs ESG dans les organisations est une tendance qui s’accentue en raison de la volonté de normalisation, voire de législation, qui a émergé au niveau mondial. Gardons en tête qu’il n’est pas nécessaire d’être vertueux en tous points, mais que l’essentiel est de cibler quelques facteurs qui vont permettre de concilier les intérêts des différentes parties prenantes d’une organisation : actionnaires et dirigeants certes, mais également employés, clients et communautés locales.

* Mme Anne-Laure Marcadet, PCC.

[1] En ligne : <https://www.bdc.ca/fr/articles-outils/developpement-durable/environnement/que-sont-facteurs-esg-et-signifient-ils-pour-entreprise>.

[2] En ligne : <https://www.iso.org/fr/iso-26000-social-responsibility.html>.

[3] En ligne : <https://www.youtube.com/watch?v=AsE4rqzxMpk>.

[4] En ligne : <https://www.bdc.ca/fr/a-propos/analyses-recherche/esg>.

[5] En ligne : <https://www.ifrs.org/groups/international-sustainability-standards-board/>.

[6] En ligne : <https://www.ifrs.org/groups/international-sustainability-standards-board/>.

[7] Vous trouverez sur ce site Internet une mine d’or au niveau des indicateurs, en ligne : <https ://www.impaccct.fr/ressources/indicateursesgbasecomplete-replaywebinar>.

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